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dimanche 16 octobre 2016

Jurisprudence récente concernant le taux de période

Par un arrêt en date du 1er juin 2016, la Première Chambre de la Cour de Cassation (pourvoi n°15-15813) a rappelé de manière très explicite qu'il est absolument indispensable que la Banque communique à l'emprunteur le taux de période et sa durée.

Cet arrêt précise qu'en l'absence de communication expresse du taux de période à l'emprunteur, le taux légal doit être substitué au taux conventionnel. 

Au regard de cette décision, à chaque fois que le taux de période ne sera pas mentionné sur l'offre de prêt, le taux d'intérêt contractuel devra être remplacé par le taux légal.

Or, de très nombreux prêts sont concernés.

Le texte complet de cet arrêt est le suivant :

"LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : 

Sur les trois moyens réunis :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 janvier 2015), que la société Clos Sorel a souscrit auprès de la société BNP Paribas (la banque), un prêt destiné à l'acquisition et la rénovation d'un ensemble immobilier ; qu'invoquant une erreur sur le taux effectif global (TEG), elle a assigné la banque en nullité de la stipulation conventionnelle d'intérêts ;

Attendu que la banque fait grief à l'arrêt de dire le TEG erroné faute de mention du taux de période, prononcer l'annulation de la clause conventionnelle d'intérêts, ordonner la substitution du taux légal au taux conventionnel depuis la souscription du contrat et la condamner à restituer le trop-perçu d'intérêts, alors, selon le moyen :

1°/ que le premier alinéa de l'article R. 313-1 du code de la consommation, dans sa rédaction issue du décret n° 2002-927 du 10 juin 2002, applicable à l'espèce, s'il impose la communication à l'emprunteur du taux de période et de sa durée, exclut de son champ d'application les crédits visés à l'article L. 312-2 du même code, soit notamment ceux destinés à financer l'acquisition d'un immeuble ; qu'au cas d'espèce, en jugeant au contraire que la communication du taux de période par la banque à l'emprunteur était obligatoire peu important que l'opération de crédit fût destinée à acquérir des immeubles, la cour d'appel a violé les articles L. 313-1, L. 313-2, R. 313-1 (ce dernier dans sa rédaction issue du décret n° 2002-927 du 10 juin 2002, applicable à l'espèce) et L. 312-2 du code de la consommation, ensemble l'article 1907 du code civil ;

2°/ qu'aucune sanction, et en particulier la nullité de la stipulation conventionnelle d'intérêts, n'est prévue par le code de la consommation en cas de manquement par le prêteur à son obligation de communiquer à l'emprunteur le taux de période et la durée de la période en matière de crédit à la consommation ; que si l'absence de mention du TEG, ou encore l'erreur commise dans le calcul du TEG, est effectivement sanctionnée par la nullité, toutefois, l'absence de communication du taux de période et de la durée de la période n'ayant aucune incidence sur le TEG tel qu'il est mentionné dans le contrat, elle ne peut emporter la nullité de la stipulation d'intérêts ; qu'au cas d'espèce, à supposer même que la banque fût tenue de communiquer à la SCI Clos Sorel le taux de période et la durée de la période, nonobstant la circonstance que le crédit consenti était de ceux visés à l'article L. 312-2 du code de la consommation, cette absence de communication n'avait par hypothèse aucune influence sur l'existence et la régularité du TEG mentionné dans le contrat ; qu'en décidant néanmoins d'annuler la stipulation conventionnelle d'intérêts au motif que dès lors que le taux de période devait être expressément communiqué à l'emprunteur, le TEG devait être tenu pour erroné, la cour d'appel a violé les articles L. 313-1 et L. 313-2 du code de la consommation, ensemble l'article R. 313-1 du même code (dans sa rédaction issue du décret n° 2002-927 du 10 juin 2002, applicable à l'espèce), ensemble l'article 1907 du code civil ;

3°/ que les parties à un contrat peuvent choisir de se soumettre volontairement à un statut d'ordre public, auquel cas les règles impératives prévues par ce dernier s'appliquent de plein droit ; qu'il en va notamment ainsi de la soumission conventionnelle aux dispositions d'ordre public du code de la consommation relatives au crédit immobilier ; qu'en la matière, en cas de manquement aux règles concernant l'indication du TEG, la seule sanction civile susceptible d'être infligée est la déchéance totale ou partielle du prêteur de son droit aux intérêts, dans la proportion fixée par le juge ; qu'au cas d'espèce, la banque faisait valoir que le prêt consenti à la SCI Clos Sorel avait été conventionnellement soumis aux dispositions des articles L. 312-1 et suivants du code de la consommation (crédit immobilier), en sorte qu'à supposer qu'une erreur entachât le TEG, la seule sanction envisageable était, non pas la nullité de la stipulation d'intérêts, mais la déchéance des intérêts dans la proportion fixée par le juge ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ce point, avant d'annuler la stipulation conventionnelle d'intérêts au motif que le TEG était erroné, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 6 et 1134 du code civil, ensemble les articles L. 312-3 et L. 312-33 (dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2000-916 du 19 septembre 2000) du code de la consommation, ensemble les articles L. 313-1 (dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010) et R. 313-1 du même code (dans sa rédaction issue du décret n° 2002-927 du 10 juin 2002) et 1907 du code civil ;

Mais attendu, d'abord, que c'est à bon droit que l'arrêt énonce que l'article R. 313-1 du code de la consommation, dans sa rédaction issue du décret n° 2002-927 du 10 juin 2002 applicable en l'espèce, contient deux phrases distinctes, la première relative au calcul du TEG, pour laquelle une distinction doit être faite entre, d'une part, les opérations de crédit mentionnées au 3° de l'article L. 311-3 et à l'article L. 312-2 du même code, d'autre part, toutes les autres opérations de crédit, et la seconde qui impose, quelle que soit l'opération, la communication expresse du taux et de la durée de période à l'emprunteur ; 

Attendu, ensuite, que l'arrêt retient exactement que, faute de mention du taux de période du TEG, il n'a pas été satisfait aux exigences des articles L. 313-1 et R. 313-1 du code de la consommation et de l'article 1907 du code civil, que la mention dans l'écrit constatant un prêt d'argent du TEG est une condition de validité de la stipulation d'intérêt et que l'inexactitude de cette mention équivaut à une absence de mention, et qu'ainsi, la sanction est la substitution du taux d'intérêt légal au taux conventionnel prévu ;

Et attendu, enfin, qu'en relevant que n'avaient pas été respectées les exigences relatives à la mention du TEG dans le contrat de prêt et à la communication expresse du taux de période à l'emprunteur, pour en déduire que le taux légal devait être substitué au taux conventionnel, la cour d'appel, qui était saisie d'une demande d'annulation de la stipulation conventionnelle d'intérêts, a légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société BNP Paribas aux dépens ".
Une récente décision du Tribunal de Grande Instance de Montpellier a fait application de cette décision : 

Par jugement en date du 15 septembre 2016 (Pôle Civil, Section 2, RG 15/07278), ce Tribunal a prononcé la nullité de la stipulation d'intérêt d'un prêt consenti par le CREDIT AGRICOLE DU LANGUEDOC en raison de l'absence de communication du taux de période.

Année lombarde : le Tribunal de Nantes condamne la CAISSE D’EPARGNE

Par un jugement en date du 13 septembre 2016 (4ème Chambre, RG N° 15/05466), le Tribunal de Grande Instance de Nantes a confirmé la position de nombreuses Cours d’Appel telles que la Cour d’Appel de Paris, la Cour d’Appel d’Aix en Provence et la Cour d’Appel de Toulouse.

Selon cette décision, la clause d’un contrat de prêt indiquant que les intérêts sont calculés sur une année bancaire de 360 jours est frappée de nullité.

Le Tribunal de Grande Instance de Nantes indique que « dans les prêts consentis à des consommateurs ou non professionnels, le taux d’intérêt conventionnel doit, comme le taux effectif global, être calculé par référence à l’année civile de 365 ou 366 jours et non par référence à l’année bancaire de 360 jours. (…)

La violation de ce principe entraine la nullité de la clause d’intérêt, peu important que les mensualités prévues au tableau d’amortissement soient conformes au taux stipulé. (…)

L’emprunteur doit en effet recevoir une information lui permettant de comprendre et comparer les coûts qu’il devra supporter sans faire appel à des usages et des notions réservés aux professionnels du crédit.

La clause d’intérêt des prêts litigieux, qui se base sur une année bancaire de 360 jours, est nulle. Le taux légal doit dès lors être substitué au taux conventionnel. Le taux légal en vigueur à la date de signature des prêts, en l’espèce de 0,04 % l’an, pourra être substitué au taux conventionnel pour toute la durée des prêts sans qu’il y ait lieu  révision en fonction du taux légal. C’est en effet le taux en vigueur à la date de l’acte qu’il convient de prendre en compte. »

Cette décision confirme donc que la simple présence d’une clause indiquant que les intérêts sont calculés sur 360 jours suffit à entrainer le remplacement du taux d’intérêt contractuel par le taux d’intérêt légal.


Cette jurisprudence est particulièrement intéressante puisqu’elle précise que cette solution doit s’appliquer même si les calculs figurant sur le tableau d’amortissement sont exacts.