Yann Gré - Avocat à Créteil - www.yanngre.com

mercredi 11 novembre 2015

L'insaisissabilité de la résidence principale d'un entrepreneur individuel


La loi du 6 août 2015, dite loi MACRON, a beaucoup fait parler d'elle.

L'une des mesures phares issues de cette loi est pourtant passée en grande partie inaperçue.

Elle a cependant une importance primordiale pour tous les entrepreneurs individuels : commerçants, artisans, agriculteurs, autoentrepreneurs…

Aux termes de l'article 206 de cette loi, la résidence principale d'un entrepreneur individuel ne pourra plus faire l'objet d'une saisie immobilière par ses créanciers au titre de ses dettes professionnelles.

Cette réforme ne s'appliquera que pour les créances nées après le 7 août 2015 et ne sera pas opposable à l’administration fiscale en cas de manœuvres frauduleuses ou d’inobservation grave et répétée des obligations fiscales de l'entrepreneur concerné.

Il s'agit d'une avancée majeure pour les professionnels concernés.

L'article L 526-1 du Code de Commerce, issu de cette réforme précise désormais que :

Par dérogation aux articles 2284 et 2285 du code civil, les droits d'une personne physique immatriculée à un registre de publicité légale à caractère professionnel ou exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante sur l'immeuble où est fixée sa résidence principale sont de droit insaisissables par les créanciers dont les droits naissent à l'occasion de l'activité professionnelle de la personne. Lorsque la résidence principale est utilisée en partie pour un usage professionnel, la partie non utilisée pour un usage professionnel est de droit insaisissable, sans qu'un état descriptif de division soit nécessaire. La domiciliation de la personne dans son local d'habitation en application de l'article L. 123-10 du présent code ne fait pas obstacle à ce que ce local soit de droit insaisissable, sans qu'un état descriptif de division soit nécessaire.

Par dérogation aux articles 2284 et 2285 du code civil, une personne physique immatriculée à un registre de publicité légale à caractère professionnel ou exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante peut déclarer insaisissables ses droits sur tout bien foncier, bâti ou non bâti, qu'elle n'a pas affecté à son usage professionnel. Cette déclaration, publiée au fichier immobilier ou, dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, au livre foncier, n'a d'effet qu'à l'égard des créanciers dont les droits naissent, après sa publication, à l'occasion de l'activité professionnelle du déclarant. Lorsque le bien foncier n'est pas utilisé en totalité pour un usage professionnel, la partie non affectée à un usage professionnel ne peut faire l'objet de la déclaration qu'à la condition d'être désignée dans un état descriptif de division.

L'insaisissabilité mentionnée aux deux premiers alinéas du présent article n'est pas opposable à l'administration fiscale lorsque celle-ci relève, à l'encontre de la personne, soit des manœuvres frauduleuses, soit l'inobservation grave et répétée de ses obligations fiscales, au sens de l'article 1729 du code général des impôts.

dimanche 8 novembre 2015

Cautionnement donné par un particulier : la mention manuscrite de la durée de l’engagement est obligatoire.


Les particuliers qui souscrivent par acte sous seing privé un engagement de cautionnement auprès d’un créancier professionnel doivent faire précéder leur signature d’une mention manuscrite obligatoire prévue par l’article L 341-2 du Code de la Consommation.

A défaut, l’engagement de la caution est nul.

Par un arrêt en date du 9 juillet 2015, (pourvoi n°14-24.287), la première Chambre Civile de la Cour de Cassation a jugé que, même si la loi ne prévoit pas « la manière dont la durée de l’engagement de caution doit être exprimée dans la mention manuscrite, il n’en demeure pas moins que, s’agissant d’un élément essentiel permettant à la caution de mesurer la portée exacte de son engagement, cette mention devait être exprimée sans qu’il soit nécessaire de se reporter aux clauses imprimées de l’acte ».

La Cour de Cassation indique donc qu’en l’absence de la mention manuscrite de la durée de l’engagement de cautionnement, cet engagement est frappé de nullité.

Cette décision signifie en conséquence que dans toutes les hypothèses de cautionnement souscrit par un particulier au profit d’un professionnel, en l’absence d’une telle mention manuscrite, la caution sera déchargée de ses obligations.

La portée de cet arrêt apparaît particulièrement importante.

Son texte complet est le suivant :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Montpellier, 25 mars 2014), que, par actes sous seing privé du 20 juillet 2009, MM. Y… et X… se sont portés, chacun, caution solidaire d’un prêt consenti par la Société marseillaise de crédit (la banque), laquelle les a assignés en exécution de leurs engagements ;

 Attendu que la banque fait grief à l’arrêt de prononcer la nullité de chacun des engagements de caution et de rejeter, en conséquence, sa demande, alors, selon le moyen, que le formalisme imposé par l’article L. 341-2 du code de la consommation vise à assurer l’information complète de la caution quant à la portée de son engagement ; que ces dispositions légales ne fixent pas la manière dont la durée de l’engagement doit être mentionnée dans l’acte de cautionnement ; qu’il suffit que la caution ait au travers des mentions portées une parfaite connaissance de l’étendue et de la durée de son engagement ; qu’il ressort des énonciations de l’arrêt que les mentions manuscrites portées sur les actes de cautionnement litigieux étaient ainsi rédigées : « En me portant caution de la SARL Odysseelle dans la limite de la somme de 69 000 euros (soixante neuf mille euros) couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de l’opération garantie + deux ans (…) » ; qu’en énonçant que la durée de l’engagement de caution devait être précisée clairement dans la mention manuscrite sans qu’il soit nécessaire de se reporter aux clauses imprimées de l’acte, et qu’en conséquence l’imprécision de cette mention affectait la compréhension de la durée des engagements de caution et par suite leur validité quand bien même la durée de l’opération garantie, en l’occurrence quatre-vingt-quatre mois, était indiquée en première page des actes de cautionnement, la cour d’appel a violé l’article L. 341-2 du code de la consommation ;

 Mais attendu que l’arrêt retient, à bon droit, que si les dispositions de l’article L. 341-2 du code de la consommation ne précisent pas la manière dont la durée de l’engagement de caution doit être exprimée dans la mention manuscrite, il n’en demeure pas moins que, s’agissant d’un élément essentiel permettant à la caution de mesurer la portée exacte de son engagement, cette mention devait être exprimée sans qu’il soit nécessaire de se reporter aux clauses imprimées de l’acte ; que la cour d’appel en a exactement déduit que les engagements de caution litigieux encouraient la nullité ;

 D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

 PAR CES MOTIFS :

 REJETTE le pourvoi.